Ce dimanche 6 mai, des millions de Français se rendront aux urnes, comme leurs semblables grecs. Eclipsées par l'actualité politique française, les élections législatives anticipées grecques s'annoncent pourtant comme le marqueur d'une vie politique bouleversée : dans un pays où près d'un jeune sur deux est au chômage, où la cure d'austérité imposée est sans précédent, les deux grands partis historiques pourraient s'effondrer et surtout un petit parti néonazi, faire son entrée au Parlement. Une première, depuis la chute de la dictature et le retour à la démocratie en 1974.
"Chrisi avgi", ou "Aube dorée", a longtemps été considéré comme un groupuscule néonazi marginal. Créé dans les années 1980, ce parti est aujourd'hui crédité de 5 % des voix dans les sondages, au-dessus des 3 % nécessaires pour être représenté au Parlement. Ostensiblement anti-immigrés, le parti critique la politique d'austérité et dénonce la "domination" de l'Allemagne en Europe.
Sur son site Internet, on peut lire les grandes lignes de son programme : nationalisation des banques ayant reçu une aide de l'Etat, réexamen de la dette, arrestation immédiate et expulsion de tous les immigrés illégaux, surveillance spéciale des frontières grecques avec les forces spéciales de l'armée et mise en place de mines antipersonnel. "C'est un parti fascisant qui exprime les tendancesles plus extrêmes", résume Georges Prevelakis, professeur de géopolitique spécialiste de la Grèce.
Il se distingue en cela d'un autre parti d'extrême droite historique, LAOS, parti électoral classique qui a participé au gouvernement de coalition, décevant ses partisans et nourrissant les transfuges de voix vers Aube dorée.
Au cœur de l'identité du parti néonazi : la rhétorique anti-immigration et xénophobe."La Grèce aux Grecs", annonce une de leurs affiches. Le parti multiplie les références néonazies. En 2010, son leader avait obtenu un siège au conseil de la ville lors des élections municipales à Athènes. Il est filmé en 2011, en train de faire le salut nazi en plein conseil municipal, comme ses partisans lors des meetings."Aube dorée est organisé en escadrons qui se spécialisent dans les attaques physiques d'immigrés et de militants de gauche", explique Sthatis Kouvelakis, professeur de philosophie politique au King's College, à Londres. Le 23 mai, deux personnes proches du parti doivent être jugées pour des agressions à l'arme blanche contre des immigrés.
"DE MÈCHE AVEC LA POLICE"
Le parti capitalise sur la crise économique, "le traumatisme, l'humiliation et le sentiment d'exaspération nationale", poursuit le chercheur. Dans ce contexte, les immigrés deviennent une cible. "Tous les jours, je vois des habitants qui insultent les immigrés, leur disant qu'il faut quitter la Grèce, qu'il n'y a pas de travail pour eux", témoigne Amarylis Logothetis, doctorante en histoire contemporaine, qui réside dans un quartier populaire d'Athènes. "Armés de barres de fer, les militants d'Aube dorée imposent leur loi dans certains quartiers d'Athènes où il y a une forte concentration d'immigrés, (...) ils sont de mèche avec la police", considère Stathis Kouvelakis.
"En Grèce, on compte 9 millions de nationaux et 1,4 million de d'étrangers, légaux et illégaux, ceci dans un pays où rien n'est fait pour l'accueil de ces gens piégés sur place, c'est une véritable cocotte minute", analyse le professeur. "La Grèce était la porte d'entrée en Europe pour neuf immigrants sur dix en 2010", souligne Athens News. Athènes a d'ailleurs commencé à construire une clôture en fils barbelés pour endiguer l'immigration illégale à sa frontière avec la Turquie,rapporte Euranet, qui précise que "l'année dernière, 55 000 migrants ont été arrêtés en Grèce après avoir traversé le fleuve Evros, soit 8 000 de plus qu'en 2010".
Lors d'une campagne marquée par l'absence sur le terrain des deux grands partis, Aube dorée a su s'imposer auprès des habitants. "C'est une stratégie d'encadrement assez classique des populations fragiles", estime Georges Prevelakis. "Dans les quartiers où il y a de nombreux immigrés et une perception de criminalité, ils proposent leurs services aux personnes âgées, les accompagnant à la banque par exemple", poursuit le spécialiste. "Dans les quartiers populaires d'Athènes, Aube dorée s'est doucement construit l'image d'un groupe chaleureux, sur lequel on peut compter parmi les Grecs durement touchés par la crise que le gouvernement n'a pas aidé", analyse Athens News.
ÉCLATEMENT DU PAYSAGE POLITIQUE GREC
Alors que la Grèce subit sa période de récession la plus violente depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le thème de l'immigration irrigue tous les partis, devançant les questions économiques. "Le parti socialiste PASOK et le parti conservateur Nouvelle démocratie mènent des campagnes xénophobes",considère la journaliste de Kathimerini Xenia Kounalaki sur le Spiegel Online,rappelant la volonté du parti conservateur d'abroger le droit du sol et les récentes déclarations d'un ministre du PASOK annonçant des "opérations de nettoyage". A quelques jours des élections, un centre de détention pour étrangers a été ouvert près d'Athènes, créant la polémique.
Dans ce contexte, la montée d'Aube dorée témoigne de l'éclatement du paysage politique grec. Vainqueur des élections de 2009 avec 44 % des voix, le PASOK parti s'apprête à chuter à moins de 20 % des voix, contre environ 25 % pour la Nouvelle démocratie. Ce sont ces deux partis, qui, dans un gouvernement de coalition et sous l'impulsion de la troïka, ont mis en place une politique d'austérité.
Nuancé, George Prevelakis estime qu'Aube dorée ne peut "pas durer très longtemps". "Le parti peut gagner des voix en s'en prenant aux étrangers, mais quand il devra s'exprimer au Parlement ou lors d'émissions télévisées, on découvrira sa faiblesse". Pour Stathis Kouvelakis en revanche, le pays vit une"situation cauchemardesque". "On peut voir que la Grèce ressemble de plus en plus à la République de Weimar", alerte le chercheur qui craint une "droitisation"de la vie politique grecque avec le glissement vers un discours de plus en plus anti-immigrés.
Dans l'immédiat, l'entrée du petit parti néonazi pourrait davantage désorganiser la vie politique grecque. "Cela peut entraîner la gauche parlementaire dans des luttes internes sans précédent (...) et peut gêner le calendrier politique, à un moment où la Grèce ne peut pas se le permettre", prédit George Georgakopoulos, journaliste de Kathimerini.
<lj-embed> <OBJECT width="470" height="353"><PARAM name="movie" value="http://video.rutube.ru/5cf346cd5254958cadf46970cda24e60"></PARAM><PARAM name="wmode" value="window"></PARAM><PARAM name="allowFullScreen" value="true"></PARAM><EMBED src="http://video.rutube.ru/5cf346cd5254958cadf46970cda24e60" type="application/x-shockwave-flash" wmode="window" width="470" height="353" allowFullScreen="true" ></EMBED></OBJECT></lj-embed>
<lj-embed> <OBJECT width="470" height="353"><PARAM name="movie" value="http://video.rutube.ru/5cf346cd5254958cadf46970cda24e60"></PARAM><PARAM name="wmode" value="window"></PARAM><PARAM name="allowFullScreen" value="true"></PARAM><EMBED src="http://video.rutube.ru/5cf346cd5254958cadf46970cda24e60" type="application/x-shockwave-flash" wmode="window" width="470" height="353" allowFullScreen="true" ></EMBED></OBJECT></lj-embed>